La tour du Bost est un haut donjon quadrangulaire, tour de défense et avant-poste des anciens châteaux d’Uchon et de Montcenis. Elle est construite sur un promontoire, jadis entouré d’étangs sur trois côtés, et assurait la protection du grand chemin de Cluny à Autun, ancienne voie romaine qui passe sous ses murs. Depuis le XVIIIème siècle, la tour s’inscrit dans un ensemble architectural : un bâtiment accolé, à présent en ruine, servait de logis. Le puits se dresse toujours à proximité. La maison d’habitation, les écuries possèdent des éléments intéressants : plafonds à la française, cheminées, oeils de boeuf et meurtrières.
La Tour du Bost tire probablement son nom de la famille seigneuriale des du Bois, originaire du Charollais, qui la fit construire et l’habita. La date précise de construction du bâtiment actuel est inconnue faute de documents. En 1286, Arvier du Bois y tient des terres en arrièrefief de l’importante famille seigneuriale des Lorgeux.
Entre 1360 et 1370 Guillaume du Bois apparaît aux côtés de Robert de Martimpuits, dit Robert le diable, bailli d’Autun et de Montcenis, dans la lutte contre les Grandes-Compagnies. Hugues, fils aîné de Guillaume, fut un familier et un homme de confiance des Ducs de Bourgogne (1). Dès 1404, il accomplit diverses missions diplomatiques. Bailli du Charollais de 1419 jusqu’à sa mort en 1442, il fut de tous les combats contre les Armagnacs, puis contre les Ecorcheurs. Jacques du Bois, son frère, fut lieutenant dans maintes expéditions1. Quant au cadet, Guillaume, il fut abbé de l’abbaye de Saint-Martin d’Autun de 1420 à 1433.
A la mort de Charles le Téméraire, l’annexion de la Bourgogne à la France mit un terme au rôle politique des seigneurs de la tour du Bost, qui se contentèrent désormais de l’administration de leurs biens. Le nom des du Bois s’éteignit en 1566, et au hasard des mariages, partages et héritages, la Tour passa dans les mains d’autres familles illustres, les Damas et les Moroges. Charles de Moroges acquit en 1582 la seigneurie de Bernard de Montessus. Il fit ériger un terrier et devint baron d’Uchon. Il mourut vers 1598. Peu avant, vers 1590, un incendie brûla dans la tour, les archives de la famille.
Le dénombrement de la terre de la Tour du Bost, membres et dépendances par messire Léon de Chatelux dit que la "seigneurie consiste en une grande tour fort eslevée, avec une cour basse d’un costé, une grange et deux grandes escuries fort eslevées, le tout couvert de thuilles (...) ( 2 )
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, la seigneurie de la Tour du Bost et ses dépendances passèrent entre les mains de divers seigneurs. La Tour n’était plus habitée et laissée à des fermiers, elle servit de grenier et d’entrepôt et la tourelle orientale fut démolie en 1725. Une minute de devis datée de 1752, dressant les réparations à faire à tous les bâtiments et étangs dépendant de la seigneurie de la Tour du Bost et de ses fiefs, situés dans les paroisses de Montcenis, Charmoy et Saint-Nisier nous apprend que :" La Tour Dubot étant quarré, elle a quattre faces, les deux plus grandes ont chacune quarente-trois pieds et demy, et les deux moindres chacune trente-sept pieds. Il nous a été raporté que c’est Mr de Maison Rouge qui a fait démolir un bâtiment qui avoit été anciennement colé contre cette tour par les seigneurs de la Tour Dubot, qui concistoit à une grange, cuisine par-dessous , et par-dessus deux chambres hautes et une chapelle voûtée, sur lesquelles chambres hautes et chapelle il y avoit encore un petit grenier. Et que led. seigneur de Maison Rouge a encore fait desmolir un columbier en pied qui estait attaché à lad. tour et avoit été bâty dans le même goût en pierres de taille conformes à celles de la même tour qui a cent pieds d’hauteur en murs et le columbier autant. (...) Dans la tour carée de la tour Dubot, à la troisième chambre haute d’icelle,il manque au plancher cinq soliveaux et seize planches. A la quatrième chambre haute, il n’y a que quatorze soliveaux sous les poutres et point de planches, la cinquième chambre haute n’a ny poutre ny soliveaux nyplancher (3)
Au début du siècle, en 1908, la tour du Bost est examinée lors de la séance de la Commission des Monuments Historiques du 22 mai. L’inspecteur général Selmersheim présente l’édifice dont il souligne le bon état et l’authenticité. Sous l’impulsion des travaux érudits de Bulliot et de Boëll pour la Société Eduenne et de L. Lex, archiviste départemental, le propriétaire de l’époque F. Burdy, ingénieur au Creusot, accepte le classement le 28 août 1908 "sous réserve expresse que l’Etat n’imposera au propriétaire ni le soin ni les dépenses d’entretien et de restauration du monument". Burdy signale néanmoins la nécessité de travaux. La Tour du Bost est classée le 16 septembre 1908 (4 )
En 1911, sur un appel de Burdy, l’architecte en chef André Ventre dépose un projet de reprise de couverture et de chaînages. Ayant trouvé des vestiges d’une couverture de bardeaux de chêne, l’architecte propose de refaire cette couverture en bardeaux peints au carbonyï à la place de la tuile (6). L’inspecteur général Selmersheim préfère la tuile de réemploi sur lattis (7). Les travaux sont prévus au frais de l’Etat. En 1912, l’administration de la Guerre envisage d’y établir un poste de télégraphie sans fil en cas de mobilisation. En 1916, il n’y a toujours pas eu de restaurations et Burdy signale la nécessité de travaux tout en déclarant s’en désintéresser (8).
Le 28 mars 1920, un incendie causé par des boy-scouts consume la charpente de chêne recouverte de planches et les plafonds qui subsistaient. La tour est vendue à la société immobilière La Bourgogne qui ne se sent en rien tenue de participer aux dépenses de restauration étant donné "l’inutilité" de la Tour et les réserves qu’avait données Burdy pour accepter le classement.
Les archives conservent les rapports précis de l’architecte ordinaire et de l’architecte en chef complétés d’une photographie précieuse de mai 1920 sur l’état de la Tour après l’incendie (voir dossier photographique). L’A.C.M.H Paul Gélis propose "d’araser les murs du chemin de ronde, jusqu’à un mètre de hauteur environ, tout en laissant ’a la crête du mur son aspect de ruine, protection des murs au moyen d’une chape de ciment. Démolition des souches menaçant ruine, chaînage des murs extérieurs, à la partie haute et ancrages nécessaires. démolition des portes du rez-de-chaussée menaçant ruine (9) . Monsieur Rattier précise que "cette ruine présente encore un certain intérêt par la disposition de l’escalier pratiqué entièrement dans l’épaisseur des murs et parceque ce type de donjon isolé n’existe pas dans la région(10).
L’assurance La Nationale n’a pas voulu exercer de recours contre les scouts "en raison du caractère patriotique de cette oeuvre".
La désagrégation se poursuit et le projet que dépose l’A.C.M.H Paul Gélis est rerusé par la société immobilière. En 1947, un nouveau projet est déposé pour boucher une brèche du chemin de ronde(11).
La société immobilière propose de donner la Tour à l’Etat sous le prétexte que "la plus belle fille du monde ne peut donnet que ce qu’elle a" L’inspecteur général Saliez, regrettant la perte de la toiture et du hourd considère que l’intérêt est devenu médiocre et demande le déclassement S’en suit une série de rapports et de correspondances : l’A.C.M.H Maurice Berry reconnaît qu’il s’agit d’une "ruine de très grande allure" ; la société immobilière demande l’autorisation d’abattre la Tourl (12) puis accepte de participer pour 20 000 f. au nouveau projet estimé à 346 302 f.. La participation est insuffisante et l’Etat refuse de l’acquérir du fait de son intérêt régional et de son mauvais état de conservation(13).
Le déclassement intervient par décret du 2 août 1949 : "dans les circonstances actuelles, la direction de l’Architecture ne doit porter son effort que sur les monuments présentant un intérêt de tout premierordre(14). La Tour est laissée à l’abandon, tandis que la propriété est revendue.
En 1992, est créée l’Association "la Tour du Bost" dont l’objet est de sauvegarder et réhabiliter le monument ainsi que d’organiser des animations culturelles fondées sur la connaissance de la Tour et de son environnement. L’Association a signé un bail avec M. Gaston Dubreuil propriétaire, le 15 avril 1994, et a établi une convention renouvelable fixant les droits et les devoirs du propriétaire, de l’Association et des intervenants extérieurs. Les premiers travaux menés en 1992 par les bénévoles de l’Association, ont consisté à déblayer et débroussailler l’accès et les abords de la Tour, ainsi que le chemin de ronde, et à nettoyer l’escalier /• puis à trier et ranger les pierres tombées à l’extérieur de la Tour.
Un stage A.F.P.A. (Association pour la formation professionnelle des adultes) de 5 semaines (déc-janv. 1993) a permis d’assurer une meilleure sécurité du bâtiment et des alentours en démontant les parties menaçantes des murs du dernier étage en surplomb ou en position instable, puis de remaçonner les semelles de la poutre et des solives du plancher détruit de ce dernier étage. Enfin, un nouveau plancher (11 tonnes de bois) est posé grâce à l’aide de l’entreprise Potain-Poclain Manutention. Un autre stage A.F.P.A. a permis de nettoyer le puits — qui servait de dépôt d’ordure — sur une hauteur de 10 mètres pour retrouver le niveau de l’eau, puis de le reconstruire et rejointoyer en partie • d aménager l’accès à la porte Sud et d’en changer le linteau ; enfin, de rebâtir la cheminée détruite lors de l’effondrement des voûtes En l’absence de documents d’origine, une solution temporaire a permis de maintenir l’arc de décharge situé au-dessus de cette cheminée qui était dans le vide ainsi qu’un pan entier de mur menaçant de s’effondrer. En juillet 1995, un chantier S.M.B.S. (Sauvegarde des Monuments de Bourgogne et de ses sites) a permis de reconstruire l’embrasure de la fenêtre Ouest de la cuisine, d’en consolider et rejointer les murs. Grâce aux dessins retrouvés dans les archives de la société Eduenne à Autun la cheminée a été retaillée à l’identique ainsi que la porte à arcs doubleaux Les deux années suivantes fut réalisée la reconstruction des voûtes avec des blocs de grès de la carrière du Pont d’Argent.
L’intérêt de cet édifice unique en Bourgogne, a été souligné par Judith Kagan, Inspecteur des Monuments Historiques. Ainsi, la Tour du Bost, la chemise et le sol de la parcelle qui entoure le donjon, ont été classes de nouveau parmi les Monuments Historiques le 14 novembre 1997, fait rare dans les annales du Service des Monuments Historiques
Travaux exécutés depuis le premier classement parmi les Monuments Historiques le 16 septembre 1908.
aucun
Travaux exécutés depuis le déclassement le 2 août 1949
1992 nettoyage et débroussaillage de la Tour et des abords
1993 démontage des parties menaçantes des murs du dernier étage remaçonnage des semelles de la poutre et des solives du plancher détruit. Pose d un nouveau plancher. Nettoyage et rejointoyage du puits Changement du linteau de la porte sud. Construction de la cheminée ’
1995, reconstruction de l’embrasure de la fenêtre Ouest de la cuisine
Notes :
1- Acte par lequel Guillaume de la Tremoille, seigneur d’Uchon, reconnaît, à l’encontre de son bailli, que Guillaume Du Bois possède la justice en son fief dépendant de la châtellenie d’Uchon, 15 août 1379, Archives privées communiquées par l’Association La Tour du Bost. Avant sa mort vers 1450-53, il fonde quatre messes hebdomadaires à dire à la chapelle de la Tour du Bost, Archives privées du château de Bruel appartenant à Monsieur Alain de Charrin.
2- Archives départementales de la Côte d’Or, 28 mars 1639, baillage d’Autun, B 10737 ; 1654, reprise de fief et dénombrement de la terre et seigneurie de la Tour du Bault située au baillage d’autun, B10775 ; 14 may et 24 juillet 1664, reprise de fief dénombrement de la terre de la Tour du Baux et dépendances par messire François Louis de Bougne, chevalier, B 10794.
3- Archives départementales de Saône-et-Loire, B2150.
4- Dossier de Protection, Tour du Bost, Charmoy.
5-Les plans reproduits dans l’article de Bulliot furent levés par Etienne de Martenne en 1899.
6- Archives de la Documentation du Patrimoine, devis et rapport de l’A C M H André Ventre datés des 20 et 26 juillet 1912, cote 2546.
7- Archives de la Documentation du Patrimoine, rapport de l’inspecteur M H Selmersheim, daté du 9 décembre 1912. cote 2546.
8- Archives de la Documentation du Patrimoine, lettre de P. Burry détée du 2 juin 1916, cote 2546.
9- Archives de la Documentation du Patrimoine, Rapport de l’ACMH Paul Gélis, daté du 5 mars 1927, cote 2546.
10- Archives de la Documentation du Patrimoine, Rapport de Monsieur Rattier daté du 21 avril 1928, cote 2546.
11- Archives de la Documentation du Patrimoine, devis de l’A-C.M.H.. Saliez, daté du 4 novembre 1947, cote 2546.
12- Archives de la Documentation du Patrimoine, lettre de "La Bourgogne immobilière à L’ A.C.M.H. Berry datée du 1er juillet 1948, cote 2546.
13- Archives de la Documentation du Patrimoine, cote 2546.
14- Archives de la Documentation du Patrimoine, Rapport de Paul Verdier daté du 21 avril 1948, 2546.